La postménopause est la période qui suit la ménopause — environ un an après les dernières règles — et qui dure le reste de la vie.
À cette période de leur vie, plusieurs personnes disent remarquer des changements par rapport à leur sommeil.
C’est le cas de Marie (pseudonyme), une femme de 54 ans que j’ai rencontrée par une soirée pluvieuse.
Dès le départ, nous avons effectué un exercice. Je lui ai demandé d’associer le mot « sommeil » à la première chose qui lui venait en tête. Pas plus d’une seconde ne s’est écoulée avant qu’elle ne me réponde : « insomnie ». En effet, Marie a de la difficulté à s’endormir avant trois heures du matin depuis qu’elle compose avec les aléas de la postménopause.
Marie a toujours accordé une grande valeur au sommeil, mais s’est davantage sensibilisée quant à son importance dans les quinze dernières années. Cette période correspond aux phases de la périménopause, de la ménopause puis, enfin, de la postménopause.
« Plus jeune, je notais des microréveils au cours de mon sommeil. Aujourd’hui, je ne peux pas dire que mon sommeil est fragmenté parce que mon sommeil n’est tout simplement plus au rendez-vous. Mon plus grand problème, c’est que je cherche le sommeil sans le trouver! »
Lorsqu’on lui demande comment elle se porte, Marie répond invariablement qu’elle a mal dormi.
Elle s’est d’ailleurs interrogée à savoir si le fait qu’elle se soit mise à respirer par la bouche pendant la nuit pouvait indiquer la présence d’apnée du sommeil. C’est d’abord à son médecin de famille qu’elle en a parlé. Mais les médecins généralistes n’ont pas nécessairement développé d’expertise en médecine du sommeil, d’où l’importance de leur parler de façon claire et transparente des symptômes rencontrés, afin qu’ils et elles puissent, s’il y a lieu, collaborer avec des personnes qui ont justement développé cette expertise.
La voie qui a été privilégiée, dans le cas de Marie, a été la collaboration avec une médecin au privé, car elle ne voulait plus attendre pour en avoir le cœur net.
Elle a ainsi appris que les changements hormonaux qu’elle vivait en postménopause jouaient un rôle de premier plan dans la présentation de son insomnie et de ses baisses d’énergie.
BAISSES D’ÉNERGIE
Pour mettre toutes les chances de son côté, Marie a d’abord suivi les conseils typiques en matière d’hygiène du sommeil qu’elle trouvait en s’informant : heures régulières de coucher et de lever, réduction de la consommation de caféine, déconnexion des écrans en soirée et ainsi de suite. Elle a même pris l’habitude de cacher son réveille-matin afin d’éviter de voir les heures lui filer entre les doigts. Si à l’origine elle voyait l’intérêt d’appliquer ces conseils, elle n’a pas constaté d’effets positifs à long terme.
Qu’importe les mesures prises, elle éprouve toujours les mêmes baisses d’énergie.
Le manque de sommeil affecte significativement ma vitalité, ma concentration et ma mémoire.
Si elle pouvait s’adresser à d’autres personnes qui vivent la même chose, Marie se montrerait rassurante et leur dirait que selon elle, les souffrances éprouvées pendant cette période de leur vie dépendent de facteurs qui dépassent largement leur bonne volonté.
GESTION DES BOUFFÉES DE CHALEUR ET DES SUEURS NOCTURNES
Depuis un certain temps, Marie s’est engagée dans une hormonothérapie. C’est un traitement qui consiste à remplacer l’œstrogène et la progestérone, qui diminuent après la ménopause (bien que leurs taux varient dès la périménopause). Cela l’a aidée à éliminer les bouffées de chaleur et les sueurs nocturnes qui peuplaient jusque-là ses nuits.
Constater que plusieurs médecins n’étaient pas formés quant aux facteurs hormonaux relatifs au sommeil l’a étonnée. Elle a d’ailleurs remarqué que son expérience semblait s’inscrire dans un diagramme de Venn de symptômes, aux côtés de la dépression et des troubles de l’adaptation, et que le réflexe médical était de prescrire des antidépresseurs, des médicaments hypnotiques ou des somnifères.
Celle qui s’informe de plus en plus au sujet de la postménopause voit là les traces d’un paradigme qui a trop duré et qui a déjà laissé sa marque sur les attitudes sociales et la sagesse populaire,
de l’extérieur, que ce soit de la part des personnes qui n’ont jamais éprouvé de troubles de sommeil ou de celles qui n’ont jamais vécu la périménopause, la ménopause et la postménopause, on parle malheureusement d’un simple “passage obligé”.
Cette résignation doit enfermer plus d’une personne dans un silence qui, lui, n’a rien d’obligatoire.
PISTES D’AMÉLIORATION
Selon Marie, dans un monde idéal, les médecins généralistes recevraient des formations professionnelles continues au sujet des effets des changements hormonaux sur le sommeil, ainsi que sur les tenants et aboutissants de l’hormonothérapie. De surcroît, elle aimerait voir ce type de thérapie, ainsi que des alternatives, devenir plus accessibles.
Puisque c’est au cours de sa trentaine qu’ont été recensés les effets des changements hormonaux sur son propre sommeil, elle aimerait voir plus de bilans hormonaux chez les personnes dans la trentaine. Nous en convenons : ce serait une occasion en or de sensibiliser les personnes « futures ménopausées » à la réalité qui les attend, et, en quelque sorte, de reprendre là où s’arrêtent les cours élémentaires de biologie et d’éducation à la vie sexuelle. De plus, cela donnerait une chance d’identifier les causes de la détérioration de la qualité du sommeil et des niveaux d’énergie chez au moins la moitié de la population, qui devra un jour ou l’autre composer avec les aléas des changements hormonaux.
Les personnes les plus directement concernées, comme Marie, ont tendance à mal comprendre les raisons pour lesquelles les conversations, la recherche et les soins qui ont trait à la fois aux hormones et au sommeil ne font pas systématiquement partie de la routine en médecine. Qu’est-ce qui explique ce traitement différent par rapport, par exemple, à la santé mentale au travail ou aux taux de cholestérol dans le sang?
Un dialogue riche devrait avoir lieu entre la communauté médicale et les personnes pour qui le sommeil devient une denrée rare en contexte de postménopause, afin de codévelopper des outils pédagogiques, des trajectoires de soins adaptées et une représentation sociale plus fidèle.
Josianne Barrette-Moran, étudiante au doctorat en bioéthique à l’École de santé publique de l’Université de Montréal